CA Paris, 3 avril 2019, n°17/05173
L’arrêt commenté rendu par la Cour d’appel de Paris le 3 avril 2019 rappelle que le franchiseur qui cède ses actifs et organise la conversion de son réseau sous une enseigne concurrente ne commet pas de faute au regard de son obligation contractuelle de bonne foi à laquelle il est tenu vis-à-vis de ses franchisés.
- Faits de l’arrêt
Un contrat de sous-franchise a été conclu le 13 mars 2006 entre la société X. et la société C. pour une période de 4 ans, renouvelable une fois pour deux ans par tacite reconduction. Le contrat a ainsi été tacitement renouvelé, son terme devant intervenir en mars 2012.
En 2011, la société Y. a annoncé son intention d’acquérir 100% des actifs de la société X.
Le 20 janvier 2012, la société X. a conclu un nouveau contrat avec la société C. entrant en vigueur au 1er janvier 2012 pour une durée de 2 ans.
Suite à l’acquisition par la société Y. de la société C., cette dernière a annoncé à ses franchisés, à la fin de l’année 2012, que les contrats de franchise en cours au sein de son réseau ne seraient pas renouvelés. Le 17 décembre 2012, la société C. a ainsi annoncé à la société X. que son contrat de franchise arrivant à échéance le 31 décembre 2013 ne serait pas reconduit.
En parallèle, la société X. et la société C. ont conclu un contrat de location de véhicule en 2006 en application duquel le franchisé louait des véhicules à son franchiseur.
- Commentaire
Constatant des impayés de redevances, de loyers et de frais au titre du contrat de location, la société C. a, le 15 avril 2014, assigné la société X. en paiement.
A titre reconventionnel, la société X. sollicitait la condamnation de la société C. à lui verser diverses sommes en réparation des préjudices qu’elle estimait avoir subi en raison des manquements du franchiseur à ses obligations contractuelles d’assistance, de coopération, de bonne foi dans l’exécution du contrat de franchise, et de la violation de ses obligations dans l’exécution du contrat de location.
Par jugement du 9 février 2017, le Tribunal de commerce de Paris a donné droit à la société C. et a débouté la société X. de l’ensemble de ses demandes. L’ancien franchisé a alors interjeté appel devant le Cour d’appel de Paris.
Au titre des manquements au contrat de franchise, la société X. reproche notamment à la société C. :
- de lui avoir faussement fait croire, de manière déloyale, que le contrat de franchise allait être renouvelé à son terme ;
- d’avoir procédé à un changement brutal d’enseigne.
- Sur l’absence de renouvellement du contrat de franchise :
La cour d’appel indique dans l’arrêt commenté :
- qu’il n’y a rien d’anormal à régulariser un nouveau contrat le 20 janvier 2012 quand le contrat de sous-franchise arrivait à son terme définitif le 12 mars 2012 ;
- qu’il n’est pas établi, que lors du séminaire du mois de novembre 2011, la société C. se serait engagée à renouveler de manière systématique, pour le futur, les contrats de franchise arrivés à leur terme et à maintenir de manière définitive le réseau de franchisés existant ;
- que le contrat de franchise du 20 janvier 2012 est entré en vigueur le 1er janvier 2012 pour une durée de deux ans et qu’il n’était pas renouvelable par tacite reconduction.
Le juge considère à cet égard que le dirigeant de la société X. est un professionnel de la vie des affaires qui n’a pu se méprendre sur la portée du contrat qu’il a signé notamment quant à son non renouvellement à l’échéance, si bien qu’il ne peut utilement conclure à une attitude déloyale du franchiseur.
Ainsi, le juge n’apprécie pas la loyauté du franchiseur dans l’exécution du contrat, mais se place sur le terrain de la validité du contrat, pour retenir que la qualité de professionnel du franchisé ne permet pas de considérer que le consentement de ce dernier a pu être vicié lors de la conclusion du contrat.
- Sur le grief relatif au changement brutal d’enseigne :
L’ancien franchisé fait valoir que la société C. a informé les franchisés que la marque « National/Citer » serait remplacée par la marque « Y/Rent a car » et reproche à la société C. de ne pas s’être assurée que le changement d’enseigne :
- ne causerait pas de préjudice à la notoriété du réseau, et ;
- n’engendrerait pas de perte de clientèle pour les franchisés
alors que les marques « National » et « Alamo » avaient été transférées à un concurrent, lequel aurait ainsi récupéré gratuitement : - les clients des franchisés, et ;
- la notoriété des marques cédées, financées depuis des années par les franchisés.
En outre, l’appelante soutient que la société C. n’aurait pas protégé le sort des réservations de véhicules puisque, suite aux changements d’enseigne, les apporteurs desdites réservations ont mis à disposition des codes pour l’enseigne « National » au détriment des franchisés. Elle soutient également que le franchiseur n’aurait procédé à aucune communication pour annoncer le changement d’enseigne et a ainsi créé une véritable confusion dans l’esprit de la clientèle.
La cour d’appel relève toutefois que la société C. a bien procédé à une communication en attirant l’attention de ses clients sur le passage à la nouvelle enseigne.
Enfin, la cour insiste sur le fait que les modifications structurelles de la société C. et ses conséquences ont bien été portées à la connaissance des franchisés dans le DIP qui leur a été remis lors de la phase pré-contractuelle. Or, le DIP indiquait bien qu’en conséquence de l’acquisition en cours de réalisation de la société C., cette dernière pourrait à tout moment ne plus avoir le droit d’utiliser la marque « National » et toute marque comportant le terme « National ».
Ici encore, le juge se place sur le terrain pré-contractuel pour apprécier la loyauté de l’information fournie dans le DIP et non pas la loyauté du franchiseur dans l’exécution du contrat.
Par conséquent, la Cour d’appel déboute la société X. de l’ensemble de ses demandes et maintient sa condamnation au titre des loyers et redevances en en réduisant toutefois le montant.
François-Luc SIMON
Associé-Gérant – SIMON Associés
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